Questions sur l'anarchisme

N.B.: Mes positions et idées ne représentes par forcément l’ensemble des idées anarchistes. De plus, comme le dit Emma Goldman, l’anarchiste ne se théorise pas, il s’essaye. Il ne s’agit donc pas d’une vision universelle ou définitive.

Il y a quelques jours, j’ai reçu un message avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de questions sur l’anarchisme. J’apprécie énormément ces questions car elles couvrent des domaines divers, et me permettent non seulement d’expliquer d’une manière beaucoup compréhensive mes idées, mais aussi de me faire réfléchir sur la réponse et avoir une discussion beaucoup plus construite.

Voici donc le texte intégrale de la question :

Et tu fais quoi pour les travaux d’ordre publics ? Y’a des assos qui s’en occupent c’est ca ? Donc t’en a qui travaillent pour le bien commun et d’autres qui travaillent pour eux ? Et si tu me réponds : “bah nan, ils travaillent tous pour le bien commun ! " Donc y en a qui ramassent les poubelles pour tout le monde; mais pq tu serais technicien de surface “gratuitement” alors que ton pote a boulot pépère qui ne demande aucune qualification non plus ? Et tu dis qu’il n’y a pas de distinction de “rôle dans cette société anarchique” entre les différentes personnes, quelques soit leur métiers et qualification. Donc le chirurgien qui bosse 12h par jour et qui a un travail qui demande 10 ans d’études complexes et qui est un travail a la fois difficile physiquement et moralement aurait les mêmes privilèges/droit que le boulanger/caissier ? Et vu que ce sont des associations à but non lucratif (et qui d’ailleurs ne récoltent pas d’argent vu que ca n’existe pas comme tu m’as dit), j’imagine que l’inscription dans une de ces association est du volontariat. Et si un mec refuse de s’inscrire, ou bien s’inscrit en tant que vendeur et ne vient qu’un jour sur 3 en feignant d’être malade tu fais quoi ? Puisque tu m’as dit que c’est la population elle même qui règle la justice, ca veut dire que moi j’ai le droit d’aller chez le mec et de le battre parce qu’il ne vient qu’un jour sur 3 ? Et si mon voisin est pas d’accord et veut le tuer, tandis que la grand mère du dessus ne veut pas qu’on y touche, qui a raison ? On fait quoi du mec ? Et si un PDG d’entreprise (vu qu’il en faut bien) recrute un gars qui au final fait mal son boulot, est ce qu’il a le droit de le virer? (sachant que le chômage “anarchique” correspond a une exploitation des autres sans que tu ne donnes aucun service, on est d’accord ?) De le punir ? Si oui, ce PDG a donc bel et bien une supériorité par rapport aux autres nan ? Et stp me dit pas que yaura pas de PDG et que l’entreprise va fonctionner sans chef, grace a la décision commune des ouvriers, parce que tu sais très bien que c’est absurde et que les ouvriers en question n’ont absolument pas le recul nécessaire pour ca, ni le temps pour ca vu qu’ils fabriquent leur produit.


Je vais donc découper cette questions en plusieurs parties, et répondre à chacune de ces parties de la façon la plus claire possible.

Et tu fais quoi pour les travaux d’ordre publics ? Y’a des assos qui s’en occupent c’est ca ? Donc t’en a qui travaillent pour le bien commun et d’autres qui travaillent pour eux ? Et si tu me réponds : “bah nan, ils travaillent tous pour le bien commun ! " Donc y en a qui ramassent les poubelles pour tout le monde; mais pq tu serais technicien de surface “gratuitement” alors que ton pote a boulot pépère qui ne demande aucune qualification non plus ?

Les travaux public (tel que les déchets, la voirie, l’entretien..), les transports, les métiers avec peu de qualification trouvent de la main d’oeuvre partout. Soit parce que ces emplois sont occupés par des gens avec peu de qualifications professionnelles (et sont donc accessible à tous, tout en leur donnant les moyens de contribuer à la société), soit parce qu’ils sont nécessaires.

Dans le premier cas, on peut prendre exemple sur le système de transport de Barcelone durant la guerre d’espagne en 1936. On note que " * L’histoire de la gestion ouvrière directe du système de transport public de Barcelone durant la révolution et la guerre civile espagnole dans les années 1930 est une illustration de la capacité des travailleurs de diriger en direct les industries dans lesquelles ils travaillent . * “.

Dans la Barcelone pré-révolutionnaire de 1936, le tramway était géré par “Tranvias de Barcelona " une société principalement détenue par des investisseurs belges. La société de tramways fonctionnait sur 60 lignes qui quadrillaient la ville et s’étendait dans les banlieues proches.

Sur les 7000 travailleurs de cette société, 6500 adhéraient au Syndicat des transports de la Confédération Nationale du Travail (CNT). Le syndicat des transport était une organisation totalement démocratique, fonctionnant par Assemblées générales et conseils de délégués élus, alors que l’entreprise elle-même n’était pas du tout démocratique.

Le 20 juillet, un groupe armé du Syndicat des Transports CNT découvre que la direction des Tramways de Barcelone avait fuit. Une assemblée générale des travailleurs du système de transport s’est alors tenue le jour suivant et a voté à une très large majorité l’expropriation des propriétaires au nom du peuple. Trois lignes privées de bus, deux funiculaires et le métropolitain ont ainsi été réquisitionnés en même temps que les tramways.

Ensuite, les travailleurs ont réussit à remettre en place le système de tram en cinq jour pourtant malmené par les combats de rue (ce qui prouve la volonté bien plus grande de travailler librement que sous contrainte. ), de façon bien plus efficace et bien plus égalitaire que ce qui se faisait jusqu’alors. ( En plus de cela, le système de transport adopte une tarification unique, augmente sa ponctualité…)

La même chose se mettrait en place pour tous les métiers : les personnes souhaitant y travailler le feront, mais il est évident qu’elles le feront selon leurs qualifications.

Pour étendre un peu la réflexion, on peut aussi prendre en compte le fait qu’une personne n’a pas forcément envie de faire tout le temps le même métier, et qu’il y a donc un roulement dans les métiers ( que ce soit parce que les vielles personnes prennent leur retraite ou parce qu’ils en ont marre de travailler ).

Si on regarde aujourd’hui les difficultés qu’on les transports publiques à embaucher, c’est en grade partie dû à la destructions des status de cheminots et de la privatisation des transport, réduisant les contreparties à la pénibilités de leur métiers. Dans une société autogéré, on peut décider que ceux qui auront les métiers les plus pénibles travaillerons moins, et vice versa.


Et tu dis qu’il n’y a pas de distinction de “rôle dans cette société anarchique” entre les différentes personnes, quelques soit leur métiers et qualification. Donc le chirurgien qui bosse 12h par jour et qui a un travail qui demande 10 ans d’études complexes et qui est un travail a la fois diffikcile physiquement et moralement aurait les mêmes privilèges/droit que le boulanger/caissier ?

L’idée d’une société parfaitement sans distinctions est fausse, car en réalité, non seulement ce n’est pas souhaitable car nous conservons tous notre spécificité, nos faiblesses et préférences et ce n’est pas non plus possible pour les mêmes raisons. Il existe bien sûr une différence entre les rôles des personnes, mais il subsiste des différences notables avec une socitété capitaliste.

En effet, sans distinctions et sans inégalités sociales et économiques, ce n’est pas la même chose.

Déjà, il faut considérer que en nous débarassant du capital, nous faisont fi du caractère forcé du travail. Cela veut dire que notre chirurgien et notre caissier/boulanger ne vont pas devoir, comme c’est le cas maintenant, se mettre au travail parce qu’ils doivent le faire sous peine de mort ( de faim ), mais qu’ils le font car c’est quelque chose qu’ils aiment faire (dans la mesure du possible, voir la réponse plus haut.). En plus de cela, grâce justement au caractère volontaire et libre du travail, le chirurgien peut devenir peintre et le boulanger architecte, il leur suffit de s’éduquer.

Notre chirurgien, qui va accomplir son travail, ne le fera pas pour l’argent mais de sa propre volonté. On reconnait également que il faut de tout pour faire un monde, et malgré que certains métiers soient indispensables, ils ont tous la même valeur.

Ainsi, le boulanger fera de même. Cela permet de faire fit de l’argent, car nous somme du coup directement dans une relation égale sur le plan économique : ils ne touchent pas d’argent ou de privilèges et sociale : ils ont tout les deux une importance égale et n’ont pas de distinctions sociale en terme de privilège.


Et vu que ce sont des associations à but non lucratif (et qui d’ailleurs ne récoltent pas d’argent vu que ca n’existe pas comme tu m’as dit), j’imagine que l’inscription dans une de ces association est du volontariat. Et si un mec refuse de s’inscrire, ou bien s’inscrit en tant que vendeur et ne vient qu’un jour sur 3 en feignant d’être malade tu fais quoi ?

Une société anarchiste est composée d’associations de personnes libre. Souvent, ces associations sont en réalité des syndicats démocratiques, en tout cas dans le monde du travail. L’adhésion est libre, et le départ aussi. Aujourd’hui, on peut citer la CNT, qui est un des syndicats anarchiste les plus connus.

Comme je l’ai dit dans la réponse ci-dessus, la personne est libre dans ses choix : ainsi, si elle ne souhaite pas travailler, elle est libre de ne pas le faire. Toutefois, comme le démontre Emma Goldman, un homme cherche à travailler, à créer, car cela donne une signification à sa vie. Cette soif de création est une valeur : certains vont essayer de faire les meilleurs plats possible, d’autres seront heureux en tant que paysans, d’autres préfèrent étudier les astres. C’est ce qui se passe en partie aujourd’hui, dans une certaine mesure, à la différence que nous somme contraint par l’aspect pécunier de ce que nous faisont.

Le mythe du choix du métier est également faux dans une société capitaliste. À cause de l’obligation que nous avons de gagner de l’argent et notre dépendance du bon vouloir des patrons à nous embaucher, nous ne pouvons pas choisir ni changer de métier librement.

Par exemple, si nous avons un emploi dans une mine de charbon mais que cet emploi ne nous convient pas, il est très diffile de changer de métier : l’éducation coûte chère, n’est pas libre, et la nécessité de l’argent rend cette tâche extrêmement complexe.

À la différence, une mine gérée par un syndicat démocratique peut mettre en place des améliorations des conditions de travail, innover en matière d’extraction, et n’étant plus régis par le profit mais la nécessité de son action, mieux gérer l’environnement.


Puisque tu m’as dit que c’est la population elle même qui règle la justice, ca veut dire que moi j’ai le droit d’aller chez le mec et de le battre parce qu’il ne vient qu’un jour sur 3 ? Et si mon voisin est pas d’accord et veut le tuer, tandis que la grand mère du dessus ne veut pas qu’on y touche, qui a raison ? On fait quoi du mec ?

La population ( le peuple ) se différencie de l’État ou du Gouvernement, mais en même temps, est le seul corps législatif. Ainsi, Rousseau fait une séparation entre les différentes parties de la société, l’anarchiste va au contraire chercher à faire disparaître ces différences, source d’inégalités. Mais j’y reviendrai.

Comme je l’explique précédement, la personne est libre ou non de travailler dans ton entreprise, ce qui fait donc que de ton côté, tu n’a pas à attendre de lui un engagement contre sa volonté. Si il ne vient d’un jour sur 3, il est libre de le faire. Par contre, il est évident que si il ne fait rien durant les 3 autres jours, il va commencer à très vite s’ennuyer, et malgré le fait que il n’a pas besoin de travailler, il va le faire de lui même; mais pas forcément dans une entreprise, peut-être comme indépendant.

Aussi, dire qu’il s’agit de ton entreprise est faux : toutes les personnes la composant en ont une responsabilitée partagée.

Ensuite, il y a autre chose à considerer : combien devons nous travailler ? Est-ce que comme le prétendaient les patrons du 20eme siècle ( et le prétendent toujours ) il faut travailler jusqu’a sa mort 16 heures par jours ? Cette logique à été démontrée fausse par le fait : le temps de travail diminuait constament jusqu’a récemment, et pourtant nous ne sommes pas au bord de l’apocalypse ? Cette vérité nous amène à nous poser des questions sur la logique et la valeur même du travail. L’anarchisme n’est pas une philosophie de feignant, car au contraire, nous reconnaissons le droit à tous de travailler, mais uniquement de le faire librement, liberé de contraintes économiques, ou sociales.

En ce qui concerne la justice anarchiste, elle est fondamentalement différente de celle qui est à l’oeuvre dans notre société. Vu qu’il n’existe pas de dispositif central de pouvoir, il n’y a pas de moyens pour avoir un système de prison national, de police, de répression…

Notre système de justice actuel est basé sur la répression. Quand quelqu’un commet un crime, il va être jugé ( souvent de façon inégale en fonction de ses moyens ou d’autres facteurs comme son origin etc…), puis ce jugement se traduira soit en une peine de prison, en amende ou en une autre sentence.

Or, quand on va condamner quelqu’un à des peines de prison à cause d’un comportement anti-social, on va accroitre ses soucis sociaux, et donc accroitre sa tendance à commetre un crime. De la même façon, en faisant payer quelqu’un pour ses crimes (de manière pécunière), on ne cherche pas à résoudre son problème ou à comprendre ce qui le cause. Au contraire, on va accroitre ou créer des problèmes dûs à la nécessité de l’argent dans la société, dont on le déprive. De plus, une autorité centralisée va se pencher sur le criminel, mais presque jamais sur la victime.

Un système de justice anarchiste va à l’encontre de tout ces soucis. En effet, une justice décentralisé va être réalisé par la communauté qui en est responsable. Cette justice sera donc de proximité, ce qui lui permet d’être beaucoup plus démocratique, notamment avec la nommination aléatoire par exemple, beaucoup plus compréhensive, car les habitants jugeant sont aussi les habitants étant concernés.

Toutefois, un des soucis qui se pose, c’est la réaction spontanée et émotionnelle. Bien que cette réaction soit vraie pour le système actuel, il faut pouvoir trouver un moyen pour éviter que des crimes soient jugé sous l’émotion produite par ce crime. Une solution à cela serait de faire rendre le jugement par des personnes extérieure à l’affaire, géographiquement et socialement. On pourrait imaginer un jugement via une communication internet par exemple, une sorte de conférence dématérialisée.

Une des autres difficultés est l’abscence de lois. En effet, si l’on juge sans s’être mis d’accord sur ce qui définit un crime ou ce qui en découle, on risque d’avoir des jugemenent basé sur le sentiment au lieu de la logique.

En conclusion, la justice anarchiste est logiquement basé sur la justice réparatrice. Un exemple de justice réparatrice en fonctionnement, c’est le circuit de justice juvénile de Nouvelle Zélande, en fonctionnement depuis 1989.

Et si un PDG d’entreprise (vu qu’il en faut bien) recrute un gars qui au final fait mal son boulot, est ce qu’il a le droit de le virer? (sachant que le chômage “anarchique” correspond a une exploitation des autres sans que tu ne donnes aucun service, on est d’accord ?) De le punir ? Si oui, ce PDG a donc bel et bien une supériorité par rapport aux autres nan ?

Contrairement à ce que tu semble tenir pour aquis, il ne faut pas forcément une organisation hiérarchique pour organiser une entreprise. On peut avoir différents postes, en fonction des capacités de chacun, certe, mais l’autorité au travail n’est pas nécessaire et est même nocive. Une réflexion a d’ailleurs été menée dans ce sens par Richardo Semler.

Grâce au principe de syndicat libre, nous ne pouvons pas considerer que l’on “recrute” quelqu’un : on ne fait que l’accepter avec son accord. On peut toujours exclure quelqu’un d’un syndicat, mais pas parce qu’il ne répond pas aux attente d’une personne au sein du groupe.

Le chômage est un principe capitaliste : il définit quelqu’un qui n’a pas de travail. Or, si tu n’a pas de travail ‘officiel’ tu peux quand même travailler de façon libre : un parent s’occupant de ses enfants, un artiste, un philosophe…

Par contre, ce que tu définis comme “a une exploitation des autres sans que tu ne donnes aucun service”, c’est plutôt le rôle du patron : il vit sur le dos de ses employés, et leur volant leur droit à la détermination personnelle et le fruit de leur labeur; il les exploite. Un exemple simple : un patron d’une usine paye ses employés 15$ de l’heure. Chacun de ses employés produit $45 de produits par heure. Or, pour les faire, il y a besoin de machine. Le coût de ces machines est de $2 de l’heure. Ensuite, il garde le reste de l’argent et en fait un profit. Ce profit c’est du vol. En effet, les ouvriers devraient normalement toucher $43 de l’heure chacun.

Ainsi, ce PDG a un rôle injustfié, son autorité n’est pas nécessaire et il ne doit donc pas exister dans ce rôle. Il est du devoir de chacun de se révolter et de saisir les moyens de productions de son joug.

Et stp me dit pas que yaura pas de PDG et que l’entreprise va fonctionner sans chef, grace a la décision commune des ouvriers, parce que tu sais très bien que c’est absurde et que les ouvriers en question n’ont absolument pas le recul nécessaire pour ca, ni le temps pour ca vu qu’ils fabriquent leur produit.

Et pourtant, je viens de le faire ! Hé hé. “l’entreprise va fonctionner sans chef, grace a la décision commune des ouvriers” et nous serons tous heureux. Tu me fait dire que " tu sais très bien que c’est absurde “. Mais pourtant, ça a déja été fait, c’est entrains d’être fait, et ça fonctionne ! Ça a déjà été fait en Espagne, dans les communautées zapatistes au mexique, qui sont des zones autonomes, révolutionnaires et anarchiste, en activité et qui fonctionnent depuis 1994. Un exemple plus récent est celui d’une usine grecque fermée par son patron, en 2015. Les ouvriers syndiqués ont décidé de l’occuper et de relancer une production écolo de manière autogérée grâce à un formidable soutien populaire. L’un des ouvriers, Dimitri, résume la situation avec brio : " Le patron est parti, pourquoi chercher à en avoir un autre ? Je l’ai vu deux fois en deux ans. On n’avait pas besoin de lui pour se servir des machines qu’on utilise tous les jours. "


Sources :